La dernière étape de l'élimination de la rage en Amérique latine.

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Il ne fait aucun doute que le programme régional d'élimination de la rage en Amérique latine a été un succès. Depuis que l'objectif de la fin des morts humaines dues à la rage dans la région a été annoncé en 1983, le nombre de cas de rage humaine a décru à la même vitesse. Cependant la dernière étape est toujours la plus difficile. Il n'y a pas eu moins de quatre dates différentes annoncées pour l'élimination de la rage et toutes ont été des échecs. Pourquoi ?

Un article récent publié par l'Organisation PanAméricaine de la Santé (PAHO) fournit des renseignements précieux. Présenté comme des leçons apprises au bénéfice des autres régions qui commencent cette aventure, les auteurs discutent franchement de ce qui aurait pu être mieux fait.

Une observation essentielle est que les objectifs ont été fixés sans prendre totalement en compte la grande différence dans les capacités des pays à mener les activités de contrôle de la rage. Une aide technique et financière supplémentaire fournie aux pays en retard ces dernières années, en particulier Haïti, le Guatemala et la Bolivie, améliore considérablement la situation de la région.

Situation de la rage 2016. Reproduction autorisée du Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'OMS, 17 Fev 2017, p77-78

À moins qu'un effort constant et suffisant de vaccination des chiens ne soit maintenu et qu'un bon programme de surveillance et de suivi fournisse les données qui démontrent l'impact du programme, la libération de la rage ne sera pas possible. De nombreux pays d'Amérique latine ont longtemps bénéficié de budgets dédiés à la vaccination antirabique et d'approvisionnement bon marché en vaccins, mais d'autres ont dû lutter et l'accès aux vaccins pour ces pays doit être formalisé au bénéfice de toute la région. Le budget de la PEP chez l'homme est très élevé et il faut s'attendre à ce qu'il le reste même des années après le dernier cas humain de rage.

SIRVERA, la base de données créée pour le programme régional par la PAHO a été le symbole constant d'un effort collaboratif mais il subsiste encore des manques de données importants. La collecte et l'analyse des données nécessaires à s'assurer de l'élimination des cas de rage humaine nécessitent un effort et un financement additionnels.

D'une certaine manière, le programme rage est une victime de son succès. La vigilance vis-à-vis de la maladie a diminué avec la baisse du nombre de cas, ce qui met en péril le succès acquis jusqu'ici. Dans cette dernière étape avant l'élimination de la maladie, il n'y a aucune place pour l'inefficacité. Les auteurs indiquent différentes manières d'utiliser des ressources limitées en examinant l'efficacité économique de chaque segment du programme afin de s'assurer qu'elle est optimale. Certaines leçons ont été apprises de l'extérieur de la région, comme l'utilisation plus économique du régime intradermique pour la PEP et l'utilisation de certaines techniques de surveillance.

La rage reste toujours parmi les trois zoonoses prioritaires  à la fois pour les ministères de la santé et de l'agriculture en Amérique latine et la façon d'intégrer son contrôle à celui d'autres maladies pour en assurer la continuité est étudiée.

La menace des maladies émergentes est gérée d'une manière quelque peu différente de celle des maladies endémiques. Actuellement en Amérique latine (comme précédemment en Europe et en Amérique du Nord) nous voyons que la rage canine est passée du statut d'endémie à celui d'une menace de ré-émergence. Des zones d'Argentine, du Brésil, du Pérou et du Nicaragua indemnes de rage canine depuis des années ont vu réapparaître quelques nouveaux cas sur des chiens dernièrement. La menace de ré-émergence de la rage canine est maintenant réelle, en particulier dans les zones bordant les endroits où la maladie est encore endémique. Le retour de la maladie nécessite la prise rapide de mesures d'urgence pour s'assurer que la rage ne se réinstalle pas mais l'objectif principal devrait rester l'élimination des derniers foyers résiduels de transmission endémique pour protéger l'ensemble de la région.

Le renforcement des capacités, en particulier dans la surveillance et la rapidité des réponses, peut clairement bénéficier au contrôle d'un grand nombre de maladies. Avec la compréhension des priorités de renforcement des capacités, l'intégration du contrôle de la rage canine au "Plan d'action 2016-2022 pour l'élimination des maladies infectieuses négligées et pour les actions post-élimination" devrait apporter un nouvel élan, et des ressources, pour arriver à l'élimination de la rage dans toute la région en 2022.

Contribution de Louise Taylor (GARC), Marco Vigilato (PAHO) et Victor del Rio Vilas (PAHO, maintenant à l'Université du Surrey, UK) à partir des données de PAHO et de publications récentes: “ Tribulations of the Last Mile: Sides from a Regional Program” by Del Rio Vilas et al., Front. Vet. Sci. (2017) 4:4. et “Building the road to a regional zoonoses strategy: A survey of zoonoses programmes in the Americas” by Maxwell et al. PLoS ONE (2017) 2: 3: e0174175.