Rendre disponible gratuitement un vaccin d’importance vitale pourrait réduire de moitié les décès liés à la rage

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Une femme reçoit un vaccin antirabique aux Philippines. Photo : GARC

Actuellement, l’accessibilité des vaccins antirabiques est limitée dans de nombreuses régions du monde par les coûts et les difficultés d’approvisionnement, particulièrement dans les zones rurales des pays d’endémie rabique du monde en développement. Toutefois, une recherche publiée dans la revue The Lancet Infectious Diseases a élaboré un modèle selon lequel la mise à disposition gratuite d’une prophylaxie post-exposition (PPE) contre la rage pourrait réduire de manière significative le nombre de décès dus à la rage et serait en même temps très coût-efficace.  Ces résultats importants ont été obtenus grâce à des modélisations réalisées par le Consortium pour la modélisation de la rage de l’OMS dont l’Alliance contre la rage fait partie, et sont basés sur les données obtenues à partir d’études de terrain provenant d’un large éventail de collaborateurs, parmi lesquels les programmes propres de l’Alliance aux Philippines.

En couplant des modèles épidémiologiques et économiques, les auteurs ont pu prédire l’impact qu’aurait un investissement conséquent en vaccins antirabiques par GAVI, l’Alliance du vaccin, qui élargirait l’accès à un traitement vital dans les pays aux ressources limitées soutenus par GAVI. Le modèle prédit qu’un tel investissement préviendrait 500 000 décès sur le million prévu dans 67 pays d’endémie rabique entre 2020 et 2035. En outre, les modèles montrent que la demande globale en flacons de vaccin resterait inchangée (73 millions de flacons), même avec une disponibilité accrue, si la voie intradermique récemment approuvée était désormais utilisée, qui permet d’administrer une plus faible quantité de vaccin comparativement à la voie intramusculaire.  Disposer d’un accès gratuit, sans obstacle, au vaccin est considéré comme un outil essentiel, parallèlement à la vaccination des chiens, pour atteindre l’objectif mondial de zéro décès humains par la rage transmise par les chiens d’ici 2030. 

Les auteurs ont étudié différents scenarios, y compris en y incorporant des programmes de vaccination canine plus étendus pour réduire les expositions à la rage, et en limitant la demande de prophylaxie post-exposition à l’aide de techniques intégrées de prise en charge des morsures de chiens. Les conclusions de cette étude de modélisation permettent de mieux aborder les stratégies d’optimisation en vue de l’élimination à long terme de la rage, et les risques et coûts des différentes approches ont été comparés et évalués.

Les auteurs sont parvenus à leurs conclusions à l’aide de modèles élaborés à partir de données recueillies dans de nombreux pays et fournies par de multiples collaborateurs, y compris celles issues de projets au long cours menés par l’Alliance contre la rage aux Philippines. Ces modèles ont montré comment l’utilisation de la PPE augmente lorsque le vaccin est accessible gratuitement. Les projections issues de ces modèles prédisent que 45,2 millions de personnes victimes de morsures chercheront à se faire traiter, comparativement aux 27,8 millions actuellement. En conséquence de cette augmentation des recours à la vaccination, le modèle prévoit une diminution significative du nombre de décès et d’années de vie perdues.

Ces résultats plaident en faveur d’un investissement accru dans la PPE par la communauté mondiale, GAVI et les gouvernements nationaux. Ils complètent de manière significative les données scientifiques disponibles concernant les effets prédits dans le cas où les victimes de morsures elles-mêmes ne sont pas amenées à payer le vaccin et lorsque ce dernier est disponible en quantité suffisante. Des évaluations antérieures réalisées par GAVI en 2013 montraient qu’au moins 200 000 décès pourraient être évités entre 2015 et 2030 ; toutefois les données scientifiques disponibles à ce moment-là ne permettaient pas une évaluation complète de la faisabilité et de l’impact de l’investissement en vaccins. 

Pour combler ces lacunes, Gavi a financé des études de terrain supplémentaires sur le fardeau économique lié à la rage que subissent les pays d’endémie et sur l’impact du facteur financier et de l’éducation sur le comportement de recours aux soins des victimes de morsures. L’étude de modélisation a permis de réaliser une synthèse entre ces résultats et d’autres données plus récentes et de créer une plateforme informatique capable de fournir les informations nécessaires pour justifier un surcroit d’investissements dans les vaccins antirabiques humains.

Louis Nel, directeur de GARC, a ajouté : “Il apparaît clairement à partir de cette étude que l’extension des programmes de vaccination des chiens (en attaquant la rage à sa source) a également été prise en compte dans la modélisation réalisée par les auteurs. La vaccination des chiens ne réduit pas seulement l’exposition à la rage, mais c’est aussi le seul mécanisme durable permettant de réduire la demande de PPE et à terme d’éliminer complètement la rage transmise par les chiens.” 

On espère que ces travaux, d’importance majeure, plaideront en faveur d’une levée des obstacles liés au coût et à l’approvisionnement de la PPE – alors que Gavi, l’Alliance du vaccin, se prépare à ré-évaluer sa stratégie d’investissement en vaccination antirabique en décembre 2018.

Rédigé par Laura Baker, de l’Alliance contre la rage, à partir de l’article “The potential effect of improved provision of rabies postexposure prophylaxis in Gavi-eligible countries: a modeling study” , publié en ligne dans la revue The Lancet Infectious Disease, et de “Investment needed to save thousands of lives through post bite rabies vaccines” de l’Université de Glasgow sur le site de MedicalPress website.

Traduit par le Dr Brigitte Dunais, CHU de Nice, Nice, France